L’édito du docteur Jarrousse
En clair, ça veut dire quoi l’interopérabilité ?
Depuis l’annonce, en avril 2019, de la Doctrine Numérique en Santé, l’Interopérabilité n’est plus un gros mot ! En effet, parmi les cinq grandes orientations de la politique du numérique en santé dans le cadre de la stratégie « Ma santé 2022 » figurait clairement l’objectif majeur « d’intensifier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d’information en santé. »
Mais, en clair, ça veut dire quoi l’interopérabilité ? Un simple exemple tiré de notre expérience quotidienne vous donnera une explication très simple à comprendre.
Imaginez que, lors de vos échanges verbaux de tous les jours, vous soyez constamment obligés de traduire la signification des mots que vous entendez parce que, à la base, vous n’utilisez pas ces mots-là. Par exemple, lorsque je dis « ce patient a une tumeur pulmonaire maligne » vous, vous comprenez sans problème que le patient dont il est question a un « cancer du poumon ». Nous n’utilisons pas la même sémantique, mais nous nous comprenons parce que, un jour, vous avez appris que ces deux expressions sont équivalentes. Votre œil, votre oreille, ont appris à traduire dans votre langage ce que vous lisez, ce que vous entendez. La machine, elle, a un peu plus de mal à faire le lien (ou alors elle est équipée d’un outil qui fait la traduction). Pire, si vous recevez un courrier d’un médecin anglophone annonçant que le patient souffre d’une « malignant lung tumor », la situation est un peu plus compliquée encore puisqu’en plus de ne pas partager la sémantique vous ne partagez pas non plus la même langue. Double effort de traduction de votre part pour arriver au « cancer du poumon ».
Dans les deux cas, je ne suis pas interopérable directement, je ne le suis qu’en mettant à contribution des outils de traduction. Pourquoi ? Parce que chacun des acteurs de cet échange utilise un système propriétaire. Dans un cas une sémantique différente, dans l’autre cas, en plus, une langue qui m’est étrangère.
Imaginons maintenant que, pour faciliter l’intégration de données dans mon dossier patient, je souhaite faire en sorte que ma machine comprenne tout ce qu’on lui envoie sans que je sois obligé d’intervenir. Sauf à équiper ma machine d’un système permettant la transcription sémantique et la traduction de langues, je serai toujours contraint de la seconder. Donc : perte de temps et risque d’erreur et, si jamais je me décide à le faire pour l’un de mes correspondants, pas sûr que ça marche pour les autres. Pas top ! C’est bien l’inconvénient des systèmes propriétaires de devoir être reproduits et adaptés pour chaque partenaire. Par contre, si nous convenons tous que le code international C34 veut dire « Tumeur maligne des bronches et du poumon » je serai libre d’échanger avec tous, dans toutes les langues et de mettre derrière ce vocable la signification qui me va bien, en l’occurrence « cancer du poumon » puisque c’est mon verbatim à moi.
Ce simple exemple, que nous pourrions dériver à l’infini, illustre parfaitement ce que sont les inconvénients de l’absence d’interopérabilité. Le code C34 est issu de la Cim10 (Classification Internationale des Maladies, 10è version, ou ICD 10 à l’international).
Si, maintenant que vous êtes interopérable avec moi, je vous envoie un document structuré contenant le code C34, votre machine me comprendra tout de suite.
Allons un petit peu plus loin
Nous parlons maintenant la même langue et utilisons les mêmes mots grâce aux codes sur lesquels nous nous sommes mis d’accord. Je souhaite maintenant vous envoyer un document un petit peu plus complexe, dans lequel j’aimerais vous transmettre tout ce que je sais de mon patient : ses antécédents, ses allergies, ses données biométriques, les pathologies dont il souffre et les traitements associés. En clair, je voudrais partager avec vous le Volet de Synthèse Médicale de mon patient. Nous avons besoin de nous mettre d’accord sur : les différents chapitres de ce VSM, les différents dictionnaires utilisés et la façon dont toutes ces informations sont agencées à l’intérieur du document. Et comme je souhaite que la double lecture reste possible, celle de l’humain qui aime bien lire, et celle de la machine qui a besoin de comprendre sans intervention, je voudrais que mon fichier permette ça.
En adoptant le standard CDAr2 (Clinical Document Architecture, version 2) en admettant que nous allons y utiliser la Cim10 pour les antécédents et les pathologies, les codes CIP pour les médicaments, je me donne toutes ces possibilités. Nous sommes maintenant interopérables non seulement au niveau de la sémantique et de la langue, nous le sommes aussi au niveau de la technique du document. Si, en plus, nous convenons que le VSM sera dorénavant envoyé et reçu par la MSS (messagerie sécurisée de santé) nous avons défini entre nous des modalités d’échanges qui nous mettent (à peu près) à l’abri de toute mauvaise interprétation.
De la « tambouille »
Revenons au début de ce document, où je vous annonçais que lorsque, jadis, je parlais d’interopérabilité, mes interlocuteurs pensaient que je disais des gros mots. C’est souvent comme ça lorsqu’on ne se comprend pas. Ma Santé 2022, et plus encore, le programme Ségur de la Santé ont dorénavant placé cette interopérabilité comme élément opposable de la Doctrine Numérique.
Les logiciels de Cegedim Santé n’ont cessé de progresser en intégrant au fur et à mesure toutes les contraintes d’interopérabilité, nationales et surtout internationales. Cela reste souvent transparent pour vous, et c’est tant mieux, car c’est ce que j’appelle de la « tambouille d’arrière cuisine ». Installez-vous confortablement et faites confiance au cuisinier !