Sébastien Lecornu a annoncé le 13 septembre la création de 5000 maisons France Santé. Objectif : que chaque bassin de vie bénéficie d’une offre de soins à moins de 30 minutes. En parallèle, le dispositif « Un médecin près de chez vous » est en cours de mise en place. Et l’Observatoire de l’accès aux soins vient de publier ses résultats alors que le PLFSS pour 2026 prévoit de modifier de nouveau le contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire. Une bonne occasion de faire le point.
Un sujet récurrent pour les citoyens… et les politiques
La santé reste, année après année, dans le top 3 des préoccupations des Français et avec elle, la question de l’accès aux soins. Car, entre les effets du numérus clausus, la croissance de la population et son vieillissement, la multiplication des maladies chroniques, la possibilité d’avoir un médecin ou un professionnel de santé disponible à proximité s’est réduite pour beaucoup de nos concitoyens. Les chiffres annoncés – par exemple 10% de Français sans médecin traitant ou 87% des Français en désert médical[1] -confirment qu’il existe des difficultés. D’où le fait que le gouvernement et le Parlement s’emparent régulièrement du sujet. Rien qu’en 2025, deux propositions de loi[2] ont été partiellement votées, à quelques jours d’intervalle, pour lutter contre les difficultés d’accès aux soins.L’annonce de Sébastien Lecornu, si elle est différente sur la forme, répond à cette même préoccupation de ceux qui nous gouvernent de répondre à la demande sociale sur ce point.
Les professionnels de santé déjà engagés
La réaction d’Avec Santé à l’annonce du Premier Ministre ne s’est pas fait attendre. Dans une vidéo postée sur YouTube, la fédération des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) rappelait opportunément que les 2861 MSP existantes couvraient déjà le champ des futures France Santé. Même réaction quelques jours après de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) et l’Union syndicale des professionnels des centres de santé (USPCS). Il est vrai que la déclaration de Sébastien Lecornu, bien que suspendue à une inscription bien incertaine dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, a de quoi interpeller. En particulier les médecins qui se sont engagés collectivement via la convention médicale à travailler en commun en faveur de l’accès aux soins. Traduit en 10 points, cet engagement est suivi par l’Observatoire de l’accès aux soins, crée pour l’occasion par l’Assurance maladie. Et les premiers résultats, publiés ce mois-ci, sont satisfaisants. Les chiffres publiés fin septembre montrent qu’il n’y a jamais eu aussi peu de patients en ALD dépourvus de médecins traitants : 4,3% en 2024 contre 5,6% en 2022 et 4,9% en 2018. De même, le service d’accès aux soins (SAS) poursuit sa montée en puissance et désormais 94,6% de la population est couverte. Et la baisse du nombre d’installations de médecins généralistes dont la presse a pu se faire l’écho, semble être la réponse des jeunes professionnels à l’incertitude créée par les différents projets de loi.
Capitaliser sur ce qui fonctionne
Le fait que les installations baissent, plus particulièrement dans les zones sous-dotées pourtant favorisées par les mesures gouvernementales successives, reflète peut-être également l’inadaptation des dispositifs aux besoins des futurs praticiens. C’est pourquoi le changement opéré par le précédent gouvernement avec le dispositif « Un médecin près de chez vous » a peut-être plus de chances d’aboutir. D’abord parce qu’il se concentre sur 151 territoires où la pénurie de soignants s’explique en grande partie par une patientèle restreinte. Ensuite, parce qu’il s’appuie sur le volontariat et la solidarité. De plus, le dispositif est simple : 2 jours par mois, un médecin vient exercer dans un établissement situé en zone très sous-dotée et perçoit une indemnité de 200 € en plus de la rémunération des consultations. Tous les médecins peuvent participer, qu’ils soient débutants, confirmés, voire retraités. Et les contraintes sont réduites. La plateforme d’inscription pour les médecins a ouvert mi-septembre mais celle pour les patients est encore en cours de développement, ce qui risque de repousser encore la mise en œuvre effective.
Et à l’avenir ?
La non-installation des jeunes médecins n’est pas une fatalité. Et le conseil de l’ordre avait documenté, il y a quelques années, les éléments à prendre en compte pour enrayer le phénomène qui ne touche pas que les zones sous-dotées : besoins des conjoints et familles, envie de pratiques mixtes, goût pour la collégialité, etc. Et aussi un appui pratique et administratif à l’installation. C’est à cette mission que s’est attelé le Dr Michel Serin. Le pionnier des MSP a ainsi mobilisé ses partenaires sur son territoire de la Nièvre pour mettre en place un système d’accompagnement à l’installation. Très complet, il prévoit un tutorat par un médecin expérimenté du territoire, le financement d’une assistance aux tâches administratives à mi-temps, l’accès à un guichet unique de mise en contact avec les acteurs du terrain : CPTS, MSP, etc. Et surtout, l’aide se met en place pour une implantation dans un territoire sous-doté en médecin mais disposant déjà d’une équipe de soins coordonnés. En cours de mise en œuvre, c’est une nouvelle preuve que la profession dispose en son sein des ressources pour faciliter l’accès aux soins.
[1] https://www.mutualite.fr/actualites/carnet-de-sante-2025-refonder-la-protection-sociale
[2] PPL Garot : Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane, PPL Mouillet Proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires