Ce qu’il faut retenir :
- 90% des professionnels de santé utilisent déjà des outils d’IA dans leur pratique et 53% estiment que cela a modifié leur manière de travailler
- 93% des professionnels utilisateurs d’IA recourent à au moins un outil d’IA générative, une utilisation très largement dominée par ChatGPT (84%)
- 45% des Français utilisent des outils d’IA pour des questions de santé dont 54% via des IA génératives (soit environ 23% de l’ensemble de la population)
- 89% des professionnels et 76% des Français jugent l’IA en santé « plutôt » ou « très » positive mais la confiance reste conditionnelle à une supervision humaine
- 37% seulement des professionnels se disent bien formés à l’IA, alors que 95% souhaitent être davantage informés et 93% davantage formés
L’intelligence artificielle n’est plus un sujet de prospective. Elle s’est déjà invitée dans le quotidien des professionnels de santé… et, plus discrètement, dans celui des patients. La première édition 2025 du Baromètre IA & Data en santé, menée par l’ACSEL avec Toluna Harris Interactive, le confirme : l’usage est massif, la perception globalement positive mais la formation, l’information des patients et le cadre d’usage restent à consolider. Décryptage.
Une adoption déjà massive de l’IA par les professionnels de santé
Le baromètre commence par un constat net : 9 professionnels de santé sur 10 déclarent utiliser des outils faisant appel à l’IA dans leur pratique. Parmi eux, 32% y ont recours chaque semaine, 29% au quotidien et seuls 10% indiquent ne jamais utiliser d’IA. Pour 53% des professionnels, l’arrivée de l’IA et de l’IA générative a déjà modifié leur manière de pratiquer, dont 13% « tout à fait ». L’IA n’est donc plus un gadget et s’inscrit désormais dans les routines, les décisions et l’organisation du travail.
Des usages très concrets au quotidien
Les usages cités par les professionnels sont avant tout opérationnels et médicaux :
- 52% utilisent l’IA pour l’aide au diagnostic ou à la décision ;
- 43% pour la formation ou l’auto-apprentissage ;
- 37% pour l’organisation et la planification du travail ;
- 31% pour l’analyse de données cliniques ou épidémiologiques ;
- 30% pour des travaux de recherche.
Côté outils, l’IA générative s’impose comme standard : 93% des professionnels qui utilisent l’IA recourent à au moins un outil d’IA générative. Parmi eux et en qualité de top 5, on retrouve sans surprise ChatGPT avec 84% d’utilisateurs, Gemini (33%), Copilot (21%) ainsi que Mistral (19%) et Perplexity (16%).
Les solutions sécurisées mises à disposition dans les structures (14%) restent quant à elles moins souvent citées, tout comme les générateurs d’images (Midjourney, DALL·E) ou d’autres modèles (Claude, LLaMA…).
Patients : un usage de l’IA réel mais encore limité
Côté grand public, l’IA est déjà présente dans les usages de santé même si l’ampleur reste plus modérée. 45% des Français déclarent ainsi utiliser des outils faisant appel à l’IA pour des questions relatives à la santé (applis, montres connectées, assistants virtuels…). Les fréquences sont toutefois contrastées : 10% l’utilisent moins d’une fois par mois, 14% au moins une fois par mois, 8% chaque semaine et 13% quotidiennement. Au sein de ces usagers, 54% déclarent recourir à des IA génératives comme ChatGPT ou Copilot, soit environ 23% de l’ensemble de la population française.
A noter que de leur côté, les professionnels surestiment légèrement ces usages avec 62% d’entre eux qui pensent que leurs patients utilisent l’IA pour des questions liées à leur santé.
Une information encore incomplète… alors que les patients la réclament
Si l’usage de l’IA par les soignants est massif, l’information des patients reste loin d’être systématique : parmi les professionnels qui utilisent l’IA, 55% seulement déclarent informer leurs patients lorsqu’ils y ont recours, 45% ne le font jamais.
Lorsqu’ils informent, ils le font principalement en renvoyant vers des informations fiables sur un site internet (26%), expliquant la démarche, notamment sur le consentement (19%) et relayant des documents préparés par le personnel médical (16%).
En miroir, les attentes des Français sont très claires. 84% souhaitent être informés par le professionnel de santé lorsqu’il utilise l’IA dans leur prise en charge et 80% veulent des informations claires sur les bénéfices et les risques liés à ces usages.
L’écart entre usage massif et pédagogie encore partielle apparaît ici très nettement.
Une perception largement positive… mais sous conditions
L’adoption massive de l’IA en santé côté soignants s’appuie sur une perception globalement favorable : 89% des professionnels considèrent que l’IA en santé est une bonne chose (13% « une très bonne chose », 76% « plutôt une bonne chose ») et seulement 8% la jugent « plutôt une mauvaise chose ».
Du côté du grand public, la vision est plus nuancée, mais toujours positive : 76% des Français estiment que l’IA en santé est une bonne chose.
Les bénéfices les plus cités par les professionnels
Les soignants identifient plusieurs apports concrets de l’IA dans leur pratique : un gain de temps au quotidien (56%), une aide à la préparation des comptes rendus (50%) et une meilleure précision et sécurité du diagnostic (40%).
Sur l’ensemble du système de santé, ils jugent l’IA particulièrement efficace pour la réduction des tâches administratives (70%), la prévention et le dépistage (44%) et la recherche médicale (43%).
Ils voient l’IA comme une bonne chose avant tout pour les professionnels de santé (80%), les acteurs de la recherche médicale (67%), les établissements de santé (65%) mais également pour le système de santé en général (64%).
Les patients (45%) et l’industrie de la santé (44%) sont aussi perçus comme bénéficiaires, mais moins en tête des priorités.
Confiance et supervision : une adhésion encadrée
La confiance dans l’IA en santé est élevée, mais conditionnelle.
Côté professionnels, une large majorité déclarent avoir confiance dans l’usage de l’IA en santé, cependant seuls 7% disent avoir “tout à fait confiance”. 96% jugent indispensable ou préférable que l’IA soit supervisée par un professionnel de santé, via vérification et contrôle.
Côté Français, la confiance dépend fortement de qui utilise l’IA. En effet, 69% ont confiance lorsque ce sont des professionnels de santé qui l’utilisent, 47% lorsqu’ils l’utilisent eux-mêmes et 26% seulement lorsque ce sont d’autres patients.
Plus de 80% des Français estiment important que les applications de suivi de santé utilisant l’IA destinées au grand public soient testées et validées par des professionnels ou une autorité de santé.
Des risques bien identifiés, surtout sur la donnée, la fiabilité et le lien humain
Les risques liés à l’IA en santé sont clairement identifiés par les deux publics.
89% des Français estiment que l’usage de l’IA en santé comporte des risques liés au traitement des données de santé (cyberattaque, accès non autorisé…) et 58% des professionnels partagent ce constat.
Lorsqu’on leur demande de citer les principaux risques, professionnels et patients ne hiérarchisent pas tout à fait de la même façon.
Pour les professionnels, arrivent en tête la difficulté à vérifier la fiabilité ou la qualité des résultats fournis par l’IA (36%), une responsabilité floue en cas d’erreur liée à l’IA (34%) et les dérives éthiques ou commerciales (33%).
Pour les Français, les priorités sont les erreurs médicales dues à l’IA (42%), la perte de lien humain entre le patient et le professionnel (42%), une responsabilité floue en cas d’erreur (34%), la fiabilité des résultats (33%), ainsi que les atteintes à la confidentialité des données de santé (29%).
La crainte de perte de lien humain est nettement plus forte côté patients, et constitue un point d’attention majeur pour les organisations et les éditeurs de solutions.
Formation : un besoin massif de montée en compétences
Malgré l’adoption déjà très large de l’IA, les professionnels de santé expriment un fort sentiment de manque de formation.
37% seulement estiment être suffisamment bien formés à l’utilisation des outils d’IA et 40% déclarent avoir suivi une ou plusieurs formations, dont 24% en auto-formation, par leurs propres moyens.
Surtout, les attentes sont quasi unanimes : 95% des professionnels souhaitent être davantage informés sur les solutions d’IA en santé et 93% désirent être davantage formés.
Autrement dit, beaucoup de soignants avancent déjà avec l’IA, mais avec le sentiment de manquer de repères structurés.
Comment développer une IA en santé utile, simple et souveraine ?
Les professionnels voient l’IA comme un élément structurant de l’avenir de la santé : 90% estiment qu’elle a vocation à devenir incontournable dans les prochaines années et 57% pensent qu’elle peut contribuer à rendre la profession plus attractive.
Pour développer l’IA en santé, ils identifient plusieurs leviers clés : 51% citent, en premier, des outils simples à utiliser et compatibles avec les pratiques existantes, 47% mettent en avant une meilleure formation et un accompagnement adapté et 55% soulignent l’importance d’un cadre réglementaire clair, sécurisant et adapté aux spécificités de l’IA en santé.
La souveraineté des solutions est également un sujet fort. Pour preuve, 94% des professionnels souhaitent privilégier des outils d’IA français ou européens et 86% des Français expriment le même souhait.
Et maintenant ? Quelques pistes pour l’écosystème santé
Pour l’ensemble des acteurs, professionnels de santé, établissements, institutions, éditeurs de logiciels comme Cegedim Santé, ce baromètre fournit une base solide pour organiser le rattrapage entre usages et accompagnement :
- Structurer la formation : inscrire l’IA dans la formation initiale comme dans le développement professionnel continu, avec des contenus adaptés aux pratiques de terrain.
- Outiller l’information des patients : rendre visibles les usages d’IA, expliquer simplement ce qu’elle fait, ce qu’elle ne fait pas, et comment la décision reste médicale.
- Concevoir des solutions simples et intégrées : privilégier des outils d’IA qui s’insèrent dans les workflows existants, réduisent les tâches administratives et libèrent du temps médical.
- Construire une IA-vigilance opérationnelle : associer supervision humaine, cadre réglementaire clair et retours d’expérience pour suivre les performances, les risques et les bénéfices dans la durée.
- Soutenir des solutions souveraines : répondre aux attentes très fortes en matière d’hébergement, de sécurité et de localisation des données.
En filigrane, le Baromètre IA & Data en santé 2025 raconte la même histoire : l’IA est déjà là, bien installée dans les pratiques, mais l’organisation collective autour de cette IA, formation, transparence, encadrement, reste à consolider. C’est sur ce terrain que se joue désormais la confiance, l’attractivité des métiers et la capacité du système de santé à tirer pleinement parti de ces outils, au service des patients comme des soignants.