C’est un camping-car pas comme les autres. Ceux qui le croisent sur les routes de l’Orne ignorent, au premier abord, que ce camion blanc et bleu est en réalité un cabinet médical mobile. Et surtout qu’il est le fruit d’une mobilisation sans faille des Docteurs Leveneur et Gal pour favoriser l’accès aux soins. Une aventure normande qui se poursuit jusqu’en Corse : récit d’une innovation régionale qui a inspiré jusqu’au gouvernement.
« Nous avons « débroussaillé » le terrain pour les autres médicobus » sourit le Docteur Jean-Michel Gal, président de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Orne-Est qui a porté le projet avec le Docteur Leveneur, à l’époque président de l’Union régionale des médecins libéraux de Normandie (URML). Rendre les soins accessibles à tous les habitants du territoire était leur obsession commune et l’idée d’un cabinet mobile s’est imposée à eux dès 2019. C’est pourquoi, lors de la création de la CPTS Orne-Est, ils ont très vite associé l’Agence régionale de santé, la préfecture de région et la région, la caisse primaire d’assurance maladie et l’ordre départemental à leurs réflexions. Il faut dire que la situation était préoccupante. Sur ce territoire de Mortagne-au-Perche comptant 89 000 habitants plus de 10% n’avait aucun médecin traitant. Leur ténacité a fait le reste : les partenaires ont été vite convaincus de l’intérêt de cette démarche d’aller vers. Et le médicobus a effectué sa première tournée en octobre 2020.
Un cabinet médical « presque » comme les autres
Le médicobus normand a été aménagé afin de permettre au médecin de réaliser la consultation dans les mêmes conditions que dans un cabinet libéral. L’ancien camping-car comprend ainsi une salle de consultation. Une salle est prévue pour les assistantes médicales dans les Mairies ou pôles de santé à proximité afin de gérer les démarches administratives. « Notre médicobus est tout équipé pour faciliter la vie des médecins, précise Karine Foucoin, directrice de la CPTS Orne-Est et du médicobus. Et nous disposons d’outils qu’on ne trouve pas toujours en cabinet par exemple un ECG connecté à un centre de cardiologie qui nous donne le résultat en 3 minutes ». Les praticiens peuvent également utiliser Omnidoc pour la téléexpertise auprès de spécialistes. Un atout supplémentaire pour ce dispositif dont les objectifs premiers sont de prendre en charge les personnes, notamment en ALD, n’ayant pas de médecin traitant et de répondre sous 48h à une demande de soins en cas d’absence ou d’indisponibilité du médecin traitant.
L’équipement numérique, un autre facteur d’accès aux soins
Comme un cabinet médical classique le médicobus dispose d’un logiciel de gestion du cabinet en l’occurrence MLM. C’est pourquoi, dès 2023, face à l’accroissement des demandes, l’équipe s’est naturellement tournée vers Maiia Agenda pour gérer les rendez-vous. La fluidité de l’interconnexion avec le logiciel médical a joué en faveur de la solution de Cegedim Santé ainsi que la capacité à établir des statistiques sur la patientèle. « Ce sont des éléments dont nous avons besoin pour l’ARS autant que pour nous, précise le Dr Gal. Toutefois l’accès à Maiia Agenda est ouvert à la seule secrétaire et aux assistantes médicales, parce que c’est important de conserver le contact humain ». Les patients continuent à prendre rendez-vous par téléphone mais reçoivent bien la confirmation de leur rendez-vous par SMS ! Cette proximité est la priorité de l’équipe. Raison pour laquelle, elle a choisi de faire appel aux médecins retraités du territoire pour assurer les permanences du médicobus et de s’organiser en centre de santé pour les salarier.
Médicobus Orne-Est en chiffres :
25 à 28 consultations par jour
4 assistantes médicales
3 médicobus en juillet 2025
Budget de fonctionnement : 75 K€ /an
Un modèle qui fait des émules jusqu’en Corse
Entre Ajaccio et Propriano, dans la région du Taravo, le médicobus a effectué sa première tournée en février. Porté par la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) de Bastelicaccia-Prunelli sous l’impulsion du Dr Vallet, ce médicobus fonctionne bien différemment de son homologue de l’Orne. Il concentre son activité sur les spécialités gynécologie, gériatrie, prévention et pédiatrie, en complémentarité avec les médecins généralistes du terrain. Et ce sont les praticiens de la MSP qui se relaient pour assurer les permanences dans le médicobus. En matière de numérique aussi, les corses se distinguent des normands. « La prise de rendez-vous en ligne est très importante pour nous, explique Raffaéla Rodriguez, coordinatrice de la MSP, car c’est devenu le mode opératoire normal pour les gens, et Maiia Agenda nous le permet à un coût très compétitif ». Trois-quarts des rendez-vous sont déjà pris de cette façon, un chiffre qui devrait progresser alors que se mettent progressivement en place les tournées entre les 5 villages de la Communauté de communes de la Pieve de l’Ornano et du Taravo.
100 médicobus : le plan France Ruralités
Inspiré par l’exemple normand, le gouvernement a prévu dans le plan France Ruralités, de juin 2023, le déploiement de 100 médicobus sur le territoire. Pour ce faire, l’Etat participe avec les acteurs locaux au financement des projets. En moyenne, un médicobus nécessite un investissement de 200 000 €.
La Normandie prête pour de nouveaux défis !
Le succès du médicobus de l’Orne-Est incite l’équipe à imaginer de nouveaux moyens de faciliter l’accès aux soins. Dernier projet en date : l’acquisition de chariots de téléconsultation dotés de différents objets connectés. L’objectif est de permettre aux habitants de consulter un spécialiste. « On pourrait facilement imaginer une téléconsultation auprès d’un anesthésiste avec une infirmière qui assiste comme nous l’avons déjà réalisé au pôle de santé, explique le Dr Gal. L’équipe réfléchit aussi à l’utilisation de l’intelligence artificielle, « parce que toutes les innovations qui peuvent améliorer la prise en charge nous intéressent » conclut celui qui va bientôt prendre sa retraite tout en continuer à travailler pour le médicobus !
